MÉGANE VOGHELL
L’œuvre
SANDBOX GALLEY, « No-tales galore – Junction of paths towards fragility – Optional side-quests and subplots »
2017
73,66 x 73,66 cm
Technique mixte
Pièce unique
Courtoisie de l’artiste
Sanbox Galley est une installation constituée d’un vivarium de six pieds cube dans lequel vivent des mantes religieuses. L’environnement artificiel leur fait office d’habitat dès la naissance jusqu’à la mort. À l’aide de trois webcams disposées à l’intérieur du vivarium, l’écosystème est diffusé en ligne, en direct et sans interruption. Les trois angles de vue sont fixes et ne couvrent pas l’entièreté du vivarium, où se trame un spectacle d’une nature imprévisible. Cette démarche a pour but d’abord d’utiliser le pouvoir de la médiatisation afin d’attirer le regard humain vers une forme de vie anodine passant généralement inaperçu dans le contexte naturel. En pointant les caméras sur les mantes, insecte choisi grâce à son potentiel mythique et ses qualités symboliques (cannibales, « mangeuses d’hommes », extraterrestres), je crée une mise en scène à travers laquelle le spectateur peut projeter un récit à partir de ce qu’il voit et de ce qu’il ignore. Ce théâtre de mantes pose un regard critique sur la culture du divertissement et le rapport de l’humain à l’insecte. D’une part, elle emprunte la forme de la téléréalité en poussant son contenu à l’extrême : la mante « gagnante » sera choisie par force de la nature pour son instinct de survie vis-à-vis de ses concurrentes. En capturant cet évènement naturel devant caméras, un contraste entre nature et culture émerge et soulève le concept de simulacre. En d’autres termes, le projet met en doute la conception contemporaine de l’environnement par sa mise en spectacle à travers, entre autres, diverses séries documentaires et bulletins de nouvelles pliant la nature à des codes d’imagerie précis. En réaction à cela, Sandbox Galley exploite le rythme incontrôlable auquel l’environnement évolue : en travaillant avec la mante religieuse et la vidéo en direct comme matériaux, j’impose au spectateur un rythme imprévisible, fidèle à la nature elle-même. Pour ce faire, je mets en valeur le rapport curieux entre la nature et la technologie médiatique. Alors que la technologie numérique se définit par un progrès constant et exponentiel, les mantes ne se pressent pas à naitre ou à bouger. Cette rencontre provoquée met en évidence un décalage flagrant entre nature et culture, résultat d’un déni de la réalité environnementale souvent associé à une crise de l’information médiatique qui est ici représenté à petiteéchelle. Parallèlement à ce flux d’informations en continu, le temps sera marqué par le rythme naturel de l’évolution. Les mues et les carcasses laissées derrières seront utilisées comme contrepartie tangible dans la création d’un collage. Ce tableau matériel cristallisera leur passage à la fois sur terre et devant la caméra, à mi-chemin entre le cabinet de curiosité et l’embaumement : un écho du spectacle de la nature jusque dans la mort. L’œuvre sera constituée d’un cadre, d’une plaque de styromousse sous vitre sur laquelle seront épinglés les éléments matériels. Cette déclinaison physique sera présentée, en juxtaposition avec la vidéo en direct, à Variations – ArtJaws Paris Media Art Fair en novembre 2017. En adoptant cette perspective critique, mon projet Sandbox Galley propose un discours sur l’influence des nouvelles technologies sur l’affect et la perception humaine de la nature. La présentation de la vidéo en direct du vivarium à distance de sa localisation géographique renforcera les notions de connexions inter-territoriales et interpersonnelles en plus de souligner la présence de frontières physiques que les technologies numériques sont amenées à dépasser.
L’artiste
Mégane Voghell est formée en manipulation d’images et en arts visuels. Graduée en Intermedia / Cyberarts de l’université Concordia, elle vit et travaille à Montréal. Sa production artistique considère et remanie les mythologies derrière l’imagerie contemporaine dans un contexte d’économie de l’attention, d’auto conception, de magie et d’interconnexion. Elle a participé à différentes entreprises artistiques (Academy of Art Video Art, Interfold Magazine) et agi à titre de co-commissaire pour Sans feu ni lieu; Sans foi ni loi (Studio XX & Width : 700px, 2014). Son travail a été présenté dans diverses projections et expositions incluant harbinger (Eastern Bloc, 2015), Field Tasting (Eastern Bloc, 2015), au FME à Rouyn-Noranda (Centre l’Écart, 2015), sous forme d’exposition solo au centre artistique Le Lobe à Chicoutimi (2016) et plus récemment au festival Mirage à Lyon (2017).