PASCALE PEYRET

En tant que photographe, elle s’intéresse depuis plusieurs années à la matérialisation de la dernière image. Cette image pétrifiée abstraite et onirique qui s’immobilise sur les écrans d’ordinateur brisés ou ont défilé des millions d’informations. Le flux des données s’enraye, le temps se fige sur ces épanchements de cristaux liquides. Elle y voit une forme d’archéologie digitale. Incunable Digital donne une lecture singulière de ces icones numériques. Pascale Peyret utilise la technique « pauvre » du photogramme pour enregistrer la lumière qui émane des écrans cassés. Dans l’obscurité du laboratoire se révèle l’empreinte fossile de formes quasi organiques. Pascale Peyret explore le matériau informatique au rebus depuis une dizaine d’années; Elle a d’abords démonté des centaines d’ordinateurs hors d’usage pour réaliser les installations de cartes mémoires qui ont nourri sa série Green Memory. Elle s’est ensuite penchée sur les écrans hors d’usage : lors de la Nuit Blanche 2012, elle a réactivé 500 d’entre eux en une vaste installation Incunable Digital s’inscrit dans cette démarche qui révèle la dernière image de l’écran brisé. Fidèle à sa pratique photographique liée aux techniques anciennes, elle enregistre la trace de ce fossile digital en créant des photogrammes. Selon elle le numérique crée un nouveau rapport au temps, si bien que l’histoire de l’art numérique n’utilise pas la même échelle temporelle que l’art en général. Chaque création est une sorte de témoin temporel précis. On peut d’ores et déjà parler d’une archéologie numérique. Incunable Digital s’inscrit dans cette observation. En effet, l’utilisation d’une technique ancienne de photographie et la lenteur du processus de création crée un contrepied pour mieux souligner ce phénomène. A travers des installations, des photographies, des vidéos, son travail questionne la mémoire du règne végétal, et celle des hommes à travers leurs productions industrielles. Il souligne l’ambiguïté des liens qui unissent l’homme à la nature, et aux produits manufacturés. C’est en jouant sur la surprise et le contrepied qu’elle interroge le spectateur sur la perception qu’il a de l’apparence des choses. Son exploration des matériaux informatiques au rebus se prolonge avec les formes immobiles des écrans brisés et s’articule autour de différents travaux qui offrent une nouvelle lecture de l’image fossile. La série Incunable Digital met en œuvre la technique photographique « pauvre » du photogramme pour révéler un négatif de l’image fossile, un tirage unique à l’ère de l’image multiple.