JEANNE BRIAND

Les oeuvres

Gamete Glass 
2016
50×12 cm
Installation 
Pièce Unique
Courtesy de l’artiste

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A Gamete Glass Tale
2016
35 cm ∅
Vinyle
Ed. de 21 + 2AP
Courtesy de l’artiste et de Romain Azzaro

Gamete Glass fait partie d’une série de sculptures en verre soufflé. Leurs formes abstraites rappellent celles des gamètes, les cellules reproductrices ­ que j’appelle « gamètes cyborgs », réinterprétées avec le verre des tubes à essais laborantins . Gamete Glass a été conçue pour générer des sons lors qu’elle est activée par le  souffle. Les  gamètes sont des cellules reproductrices capables de fusionner avec d’autres. Dans ce projet, les cellules de verre fusionnent par leur ADN sonore. Les vibrations sonores enregistrées en studio d’enregistrement ont permis de créer une palette de pistes sonores devenues genèse et matrice du projet A Gamete Glass Tale co-­réalisé ensuite avec Romain Azzaro.

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A Gamete Glass Tale est un vinyle des compositions sonores produites avec les gamètes cyborgs en verre soufflé qui s’inscrit dans le projet Gamete Glass. 

L’artiste

Née à l’orée de la décennie qui vit s’implanter durablement dans notre quotidien les technologies computationnelles modernes, grandie dans celle qui fut synonyme de l’amenuisement puis de la dématérialisation des supports matériels de celles-ci, le travail de Jeanne Briand – née en 1990 donc – révèle toute la complexité et l’ambiguïté des relations que nous entretenons à une technique qui ne serait plus tant un simple instrument qu’un mode d’être au monde. Citant parmi ses principales sources d’influence les récits d’anticipation et les films science-fiction, d’Aldeous Huxely à David Cronenberg, son imaginaire se développe dans le sillon de la sensibilité futuriste ouverte par ses prédécesseurs. Son imaginaire, ou plutôt la texture de son esthétique : l’une de ses pièces les plus récentes, des sculptures en verre soufflé initiées en 2010-2011, ont la rondeur organique de la matrice. En effet, leur forme rappelle celle des gamètes, les cellules reproductives, rejoignant la préoccupation de l’engendrement qui revient comme un fil rouge dans son travail. L’un de ses premiers projets la voyait ainsi décliner une série de dessins d’utérus bleus. Pourtant, nulle célébration du processus immémorial de la génération. Car à y regarder de plus près, les sculptures sont dardées de plugs, des ports USB leur permettant potentiellement d’interagir avec leur environnement. Plutôt que de nature, c’est bel et bien de culture, et plus précisément de technologie dont il est question, et ce jusque dans l’un des domaines où l’infiltration prométhéenne de l’intervention humaine se révèle la plus épineuse. Car les œuvres de Jeanne Briand sont elles-même des corps cyborg à la fois produites et productrices. Lorsqu’elles sont activées par le souffle qui les a créées, les sculptures émettent des sons, qui varient selon leur épaisseur et leurs dimensions respectives. En résulte une bande-son à l’exposition qui rend à ces formes inspirées des cellules reproductives leur pouvoir générateur. Enregistrée en studio, en soufflant dans les sculptures, en rajoutant de l’eau dedans et un peu de percussion ou de reverb, celle-ci résulte d’un travail de découpe et de superposition quasi-sculptural à partir des pistes sonores obtenues. Le verre, matériau du tube à essai, permet également de préciser un versant fondamental de son mode de travail. A savoir la reconnection d’une sensibilité qualifiée de trans-esthétique à la matérialité de techniques artisanales. Seulement dans l’incontrôlé, dans l’hésitation d’un geste qui ne vise pas tant la forme finie que le processus de son tracé, émerge la charge libidinale pleinement plastique : celle qui, à son tour, produira dans l’esprit du regardeur des associations inédites, l’entraînant alors dans une concaténation qui est celle de la vie même – augmentée ou non. 

(Ingrid Luquet-Gad)