JEAN-BENOIT LALLEMANT

L’œuvre 

Trackpad, US drone strikes, Yemen

2014
350 x 170 cm
Cartes éléctyroniques et solénoïdes, toiles de lin, châssis en aluminium
Peinture (sans peinture) et données
Pièce unique faisant partie de la série Trackpad
Courtesy Jean-Benoît Lallemant 

La série Trackpad, sont des toiles de lin brut tendues sur châssis, derrière lesquelles un mécanisme reporte les points d’impacts d’une guerre télécommandée : la déformation ciblée de la toile figure les frappes aériennes des drones américains au Wasiristan et au Yemen. A l’aune de la guerre chirurgicale, la peinture d’histoire révise sa technique et son mode d’apparition : le pinceau s’y abstient, aucune image ne demeure à sa surface tandis que derrière elle se produit un évènement fugace et monstrueux – qui dénature la bidimensionnalité du tableau – et ne laisse aucune trace. Texte rédigé par Julie Portier, Critique d’art et commissaire d’exposition. Ecrit régulièrement pour le quotidien de l’art et d’autres revues spécialisées.

L’artiste

Né en France en 1981, Jean-Benoît Lallemant est un artiste qui interroge la représentation à l’heure d’Internet, du temps réel et des nouvelles technologies de communication. Plus particulièrement son attention se porte sur la position de la peinture dans ce contexte et plus précisément de la peinture d’histoire. Ainsi Jean-Benoît Lallemant propose un sujet qui se trouve être l’histoire, un médium, la peinture traditionnel c’est à dire toile/châssis/couleur, et une stratégie : rendre compte d’un certain état du monde en croisant les possibilités de la peinture et celles du Web. JBL fait revenir la peinture comme médium premier, tandis qu’on annonçait déjà sa mise à mort par Internet. L’artiste s’est également intéressé à la question des constituants matériologiques de la peinture et du tableau, plus largement aux écrans (comme obstacle du regard) et à la visibilité, en des temps ou tout se montre mais où rien ne se voit. La confrontation des modes d’expression a occupé l’essentiel de ses recherches. Selon Jean-Marc Huitorel, critique d’art, commissaire, enseignant, et collaborateur de la revue ArtPresse, l’un des traits caractéristiques de son œuvre, est la stratégie de ralentissement. En effet une tension se créer entre des problématiques liées à l’accélération du temps jusqu’à son absorption et son annulation dans le temps dit réel, produit par les nouvelles technologies d’une part, et cette manière artisanale, le fait main, qui caractérise sa méthode d’autre part. C’est en cela que réside sa singularité et plus encore son efficacité. En agissant en tant que ralentisseur, l’artiste peut encore donner à voir. Jean-Marc Huitorel conclu : C’est en matérialisant la cécité par de rigoureux objets de représentation que se pose la première étape de la reconquête du visible.